La peinture naît d'un vertige devant le réel, d'un vertige tel qu'il autorise les
basculements, les excès les emportements qu'ont ouverts les écoles de l'expressionisme.
Nous retrouvons dans ce travail une poésie moderne que saturent formes et
couleurs. Nous la percevons d'évidence dans les tableaux ‘Port d'Oran' ou de la ‘Pointe du
Chai'. Les éclats de couleur, posée brute, ciel, mer et ville dans une danse géométrique, se
répondent, ils renvoient au tourbillon du peintre et des lieux sous les lumières d'Algérie entre
Méditerranée et désert, le Maghreb, l'île, précipité entre deux abîmes. Ils évoquent la passion
magnétique de Van Gogh pour les ciels outragés, miroirs de nos inquiétudes qu'évoque
Fernando Pessoa.
La peinture dit aussi combien le paysage résistera à jamais à notre possession et qu'il
faut vivre ses impertinences quand, toujours, quelque chose d'immense nous échappe.
Son style qui n'est rien de moins que sa manière de troubler le réel, se retrouve dans
le traitement des autres paysages tels que ‘Biacs' et ‘Village espagnol' où planent les
véhémences de Soutine et les délicatesses de Dufy.
Croyant provoquer la vérité, le peintre qui ne parle qu'à lui-même, nous fait accéder
aux mystères de notre conscience, aux mystères de la présence des corps. On les retrouve
mythifiés dans les tableaux de ‘l'Arlequin' ou de la ‘nature morte au nu bleu' où les mêmes
fantômes que ceux de Bonnard laissent dans des explosions de couleurs une trace spectrale.
Jean Claude Feuillarade