La peinture d'Emile Pujolle naît de l'abîme du réel, d'un vertige tel qu'il autorise les excès, les emportements qu'ont libérés les voies de l'expressionisme.
Nous retrouvons dans son travail une poésie moderne que saturent formes et couleurs. Nous la percevons d'évidence dans les tableaux ‘Port d'Oran' (tableau de jeunesse) ou de la ‘Pointe du Chay' (œuvre de la maturité). Les éclats de couleur, posée brute, ciel, mer et ville entrent en une danse géométrique. Ils se répondent, renvoient aux tourbillons mêmes du peintre face aux lumières d'Algérie entre Méditerranée et désert, puis en Charente, presqu'île également précipitée entre deux chaos.
Les tableaux évoquent la passion magnétique de Van Gogh pour les ciels outragés, miroirs des inquiétudes qu'évoque Fernando Pessoa, « La seule réalité pour moi, ce sont mes sensations » (Le livre de l'intranquillité).
La peinture d'Emile Pujolle dit aussi combien le paysage résiste à notre possession, qu'il faut en vivre les impertinences quand, toujours, quelque chose d'immense nous échappe.
Son style qui n'est rien de moins que sa manière de troubler le réel, se retrouve dans le traitement des autres paysages tels que ‘Les blés' et ‘Village espagnol' où planent les véhémences de Soutine et les délicatesses de Dufy.
Croyant provoquer la vérité, le peintre qui ne parle qu'à lui-même, nous fait accéder aux mystères de notre conscience, aux aléas de la présence des corps. Ces corps mythifiés sont installés dans les tableaux de ‘l'Arlequin assis' et de la ‘Nature morte au nu bleu' où ce sont les mêmes fantômes que ceux de Bonnard qui laissent dans des explosions de couleurs, une trace spectrale.
Jean Claude Feuillarade